Pluie d’euros à durée limitée

 

 

 

 

Ces 1.000 milliards d’euros n’existaient pas il y a trois mois. Et personne n’en avait besoin. Pourtant, ils reposent aujourd’hui dans les comptes de centaines de banques européennes ! Souvent critiquée, la Banque centrale européenne a joué ici un coup de maître. A l’automne, sur fond de crise grecque non résolue, les banquiers hésitaient de plus en plus à se prêter de l’argent, exactement comme à l’automne 2008. Ce grippage risquait de tourner à la catastrophe.

Sous la houlette de son nouveau président, Mario Draghi, qui a gagné dans l’épisode ses galons de « Super Mario », la Banque centrale européenne leur a proposé de l’argent pour trois ans au tout petit taux d’intérêt de 1 %. Elle a ouvert une première fenêtre de son opération de financement à long terme (résumée dans le sigle anglais LTRO) en décembre et une seconde en février, qui vient de se refermer. Les banquiers ont levé 500 milliards d’euros à chaque fois, preuve que l’offre répondait à une demande massive.

La première vague a atteint son objectif : le crédit entre les banques s’est dégrippé. Les banques espagnoles et italiennes ont acheté des obligations émises par leurs Etats, la spirale dépressive des marchés financiers a été cassée. La seconde vague aura sans doute plus de mal à réussir. Elle doit relancer le crédit des banques aux entreprises et aux particuliers. Mais les banquiers ont d’autres soucis en tête. D’ici à la fin 2014, ils devront rembourser plus de 350 milliards d’euros. Ils auront donc la tentation de se constituer des coussins de sécurité au cas où ils ne parviendraient pas à lever des fonds sur les marchés. La BCE devra peut-être ouvrir une troisième fenêtre pour atteindre son objectif…, qui suppose aussi que les entrepreneurs et les ménages aient envie d’emprunter, ce qui est loin d’être évident.

La vraie question se pose au-delà. Car ces 1.000 milliards créés par la BCE ont une durée de vie qualifiée de « long terme » mais limitée à trois ans. D’ici à début 2015, les banquiers devront les rembourser. Ce qui sera loin d’être facile, même si l’Europe retrouve d’ici là un sentier de croissance plus soutenue. Fidèle à leur prudence, les banquiers centraux européens n’ont pas suivi l’exemple de leurs collègues américains, britanniques ou japonais qui eux ont fabriqué des milliers de milliards pour acheter des titres, non pour prêter aux banques. Si la BCE agit efficacement, elle repousse les problèmes dans le temps sans les résoudre. Autrement dit, elle achète du temps, tout comme viennent de le faire le Conseil européen, la Commission et le FMI dans le sauvetage de la Grèce. En Europe, l’assainissement des banques et des Etats reste à faire.