La Grèce menace toujours la zone euro

 

 

 

La zone euro n’a pas fini de regretter d’avoir accepté en son sein la Grèce, en 2002. À l’origine de la crise de la dette souveraine, elle n’est pas sortie d’affaires malgré les multiples plans de sauvetage et menace toujours d’entrainer par le fond ses partenaires. Or, depuis deux mois, les marchés semblent se calmer, même s’il encore trop tôt pour affirmer que la crise est terminée. Il faut dire que la zone euro a entamé une véritable révolution : tous les pays ont entrepris de mettre de l’ordre dans leurs comptes publics et, à la suite de la réunion des ministres des Finances qui s’est achevée hier, ils vont se doter d’un pare-feu financier durable (le Mécanisme européen de stabilité) et d’un traité durcissant la discipline budgétaire et économique.

La Banque centrale européenne (BCE), de son côté, inonde les banques commerciales de liquidités, ce qui a calmé les inquiétudes sur leur santé. Résultat : les taux d’intérêt auxquels les pays les plus fragiles empruntent se détendent, au point que la France, en dépit de sa dégradation par l’agence de notation américaine Standard and Poor’s, ne s’est jamais financé à de meilleures conditions depuis le lancement de l’euro. Mais tant que le foyer d’incendie grec n’aura pas été définitivement éteint, la crise peut repartir à chaque instant. Autant dire que la grogne monte contre Athènes, au point que la perspective d’un défaut pur et simple commence à être envisagée sérieusement.

 

• La Grèce en faillite ?

Bien que le gouvernement grec ait multiplié les plans de rigueur et les réformes structurelles, cela a été en pure perte jusqu’à présent : une nouvelle fois, « le programme (budgétaire) grec a dérapé » par rapport aux prévisions a constaté lundi soir, Jean-Claude Juncker, le président de l’Eurogroupe, l’enceinte réunissant les dix-sept ministres des Finances de la zone euro. La Grèce, qui entre dans sa quatrième année de récession (un recul de 15 % du PIB sur la période), ne parvient ni à lutter contre la fraude fiscale faute de disposer d’un État digne de ce nom, ni à appliquer les réformes votées faute d’un soutien de la classe politique et de la société. « Il est clair que la mise en œuvre des réformes en Grèce a échoué », a reconnu le ministre suédois des Finances, Anders Borg : « en matière de réformes structurelles, de réformes budgétaires, ils n’ont pas été à la hauteur ». Si le gouvernement grec ne réagit pas, « nous ne pourrons pas continuer à lui prêter », a menacé son collègue néerlandais, Jan Kees de Jager.

Incapable de se réformer, à la différence de ce qui se passe en Irlande et au Portugal, deux pays sous assistance financière européenne, en Espagne ou en Italie, la Grèce ne parvient pas non plus à se mettre d’accord avec des créanciers privés pour restructurer sa dette. Il faut en effet l’alléger de 100 milliards d’euros (sur environ 350 milliards), afin de la contenir à 120 % du PIB en 2020 au lieu de 173 %… Or, il s’agit d’une condition posée par la zone euro au versement d’une nouvelle aide de 130 milliards d’euros qui s’ajoutera aux 110 milliards d’aides bilatérales déjà consentis par les Dix-sept. Sans cette nouvelle manne, la Grèce sera en défaut de paiement en mars prochain. Le secteur privé n’est pas prêt à accepter une perte de plus de 50 % sur les obligations qu’il détient : il exige donc, sur les nouveaux titres à 30 ans qu’il obtiendra en échange, un taux d’intérêt moyen de 4%. Pour la zone euro, c’est beaucoup trop, le maximum admissible étant de 3,5 %, ce qui ferait monter l’addition pour les établissements financiers à plus de 70 % de perte.

Mais, même en cas d’accord, la dette grecque ne sera réduite que de 100 milliards d’euros, ce qui apparaît désormais comme insuffisant vu l’incapacité du pays à se réformer. Il faudra sans doute que la BCE, qui détient environ 50 milliards de dettes grecques, accepte aussi une perte d’au moins 50 % et, sans doute à terme, les pays européens devront faire cadeau à la Grèce d’une bonne partie des 240 milliards d’euros qu’ils se sont engagés à lui prêter…

• Le traité d’union budgétaire en bonne voie.

Lundi, les chefs d’État et de gouvernement devraient approuver un nouveau traité « sur la stabilité, la coordination et la gouvernance de l’union économique et monétaire » (voir Libération de lundi). Le principal point de désaccord porte sur la gouvernance de la zone euro. Pour la France, le Conseil européen des chefs d’État et de gouvernement qui se réunira au minimum deux fois par an doit être réservé aux pays partageant la même monnaie. Pour la Pologne, soutenus par les autres pays non membres de l’euro, tous les signataires du traité devraient être présents (soit les Vingt-sept moins la Grande-Bretagne) puisqu’ils ont vocation à adopter la monnaie unique. Il reste d’autres points de friction. Ainsi, la BCE et les Pays-Bas voudraient que l’endettement excessif soit sanctionné aussi sévèrement que le déficit public, ce qui fait renâcler la plupart des gouvernements qui estiment hériter d’un stock dont ils ne sont pas comptables. De même, la possibilité donnée à la Cour de justice européenne de condamner à une amende les pays qui n’ont pas transposé dans leur droit interne la « règle d’or » pose des problèmes juridiques à la Tchéquie ou au Portugal. Autant de points que les « chefs » devront trancher pour que le traité soit signé le 1er mars comme prévu.

• Le pare-feu financier européen sera-t-il suffisant ?

Les ministres des Finances ont approuvé, lundi soir, le texte du traité créant le Mécanisme européen de stabilité (MES) qui sera signé en février et entrera en vigueur le 1er juillet 2012. Doté d’une capacité de prêt de 500 milliards d’euros, il prendra la succession du Fonds européen de stabilité financière (FESF) qui continuera à fonctionner jusqu’en juillet 2013. Réservé aux seuls pays signataires du traité créant une union budgétaire, il disposera de 80 milliards de fonds propres, contrairement au FESF qui doit se contenter des garanties conjointes des États membres, ce qui lui donnera plus de résistance en cas de dégradation de la note d’un ou de plusieurs pays de la zone euro. Surtout, il pourra décider d’intervenir à la majorité de 85 % des droits de vote et non plus à l’unanimité. Le Fonds monétaire international (FMI), mais aussi la France et la plupart des États membres, estime qu’il est nécessaire d’augmenter la capacité de prêts du MES. Une idée, à laquelle pourrait se rallier Berlin, serait d’ajouter les ressources encore disponibles du FESF (250 milliards d’euros), ce qui porterait sa force de frappe à 750 milliards.